Les Nivernais qui ont réussi
Pilote de sa vie
Elisabeth Grenin, présidente des Transports Grenin et du MEDEF NièvreFille et petite-fille de transporteurs routiers, Elisabeth Grenin a troqué un jour le confort doré d’une banque parisienne pour reprendre l’entreprise familiale, à Imphy. Imprimant sa forte personnalité dans un monde d’hommes, la diplômée en droit des affaires règne sur un ballet mécanique millimétré que les bouleversements professionnels et sociétaux chahutent, tout en menant ses engagements au MEDEF et aux prud’hommes.
Ses chauffeurs ont vu peu à peu les livrées des camions passer du vert et jaune historique au… rose fuschia. Elisabeth Grenin n’est pas peu fière de cette petite révolution chromatique qui porte sa marque de fabrique. Un peu de douceur sur l’archétype de la testostérone en remorques de 38 tonnes.
La présidente de la SAS Transports Grenin, à Imphy, revendique pourtant « une main de fer dans un gant de velours », et une intransigeance assumée : ❝ Je suis hyper stricte sur la réglementation routière, et sur le respect du client. ❞ La condition pour perdurer dans un monde des transports de plus en plus rude et concurrentiel, où l’entreprise aux 40 salariés trace sa route : ❝ On a la chance d’être appuyés sur le groupement Astre, le premier en France, une vraie machine de guerre avec 120 entreprises. C’est ce qui nous permet de traverser les crises. Mon père avait été visionnaire en adhérant, en 1992. ❞
A l’époque, Elisabeth Grenin était loin d’Imphy. Loin de s’imaginer un jour piloter l’entreprise créée à Sauvigny-le-Bois par son grand-père François en 1938, reprise et développée par son père Daniel en 1962. Après un bac C au lycée Saint-Cyr, une prépa Sciences Po et quatre ans de droit des affaires à Assas, elle avait été recrutée par la Banque populaire comme fondée de pouvoir au service des investissements étrangers. ❝ J’y suis restée treize ans. ❞ Tout en gardant un œil sur Imphy et les Transports Grenin : ❝ J’ai été élevée dans l’entreprise, avec mon frère Emmanuel. Mes parents étaient agriculteurs et transporteurs. Le soir, après l’école, on allait s’occuper des moutons. Ce n’était que du bonheur. ❞
Un matin de 1998, son père l’appelle : ❝ Il m’a dit « ou tu reviens travailler avec ton frère, ou je vends ». Il avait des problèmes de santé, et il n’était pas loin de la retraite. Une image m’est revenue, et m’a fait basculer : les camions qui transportaient les lingots chauds des aciéries, la nuit, et mon père qui se levait pour s’en occuper. Il n’avait pas fait tout ça pour vendre. ❝
Le 1er février 1998, Elisabeth Grenin revient à Imphy : ❝ Mon père m’a lâchée dans la nature. Il m’a donné son bureau et il m’a dit « je m’en vais ». Il m’a laissé les rênes. Il m’a fallu deux ans pour imposer ma marque. Je n’ai jamais senti de dédain parce que j’étais une femme. Les chauffeurs m’ont respectée, ils m’ont soutenue quand on a terminé la première année avec un déficit. ❞ Sous sa houlette, l’entreprise qui travaillait à 65 % pour les aciéries se met à la diversification, avec bonheur.
Tout en menant l’entreprise, Elisabeth Grenin s’investit dès 2002 aux prud’hommes et au MEDEF, qu’elle préside dans la Nièvre depuis 2017. Un œil sur sa société, l’autre sur la société, comme son modèle de jeunesse, Simone Veil : ❝ J’appréciais son humilité, sa bonté malgré tout ce qu’elle avait vécu. ❞ Membre du réseau Femmes du MEDEF, elle se démène pour « inciter les jeunes femmes à s’investir et briguer des responsabilités ❞ : ❝ J’ai eu la chance que mon père ne fasse pas de différence entre mon frère et moi. Je n’ai pas senti de freins. Mais une femme doit se battre pour s’imposer. « Est-ce que je vais être à la hauteur ? » C’est ce que les femmes se disent. Moi, je n’ai jamais douté. J’aime bien le challenge, j’ai toujours revendiqué ce côté nivernais : ici, on sait se défendre, ça endurcit. ❞